Retomber amoureux à 70 ans
Retomber amoureux et le dire à ses proches
A partir d’un certain âge, quand la flèche de Cupidon nous atteint en plein cœur alors que l’on se croyait déconnecté de l’amour avec un grand A, ça surprend. Et pas que soi !
Le cœur n’a pas de rides
Un titre joliment choisi par l’auteure Marina Rozenman, jeune femme de 33 ans, inspirée par l’histoire touchante de sa grand-mère qui, à 71 ans, a vécu une relation passionnée avec son voisin de 81 ans. Dans son livre, Marina part à la rencontre de ces femmes et de ces hommes qui, à plus de 70 ans, ont retrouvé l’amour ou le cherchent ardemment. Une drôle de sensation que de sentir son cœur frissonner à nouveaux après une rupture douloureuse, un veuvage ou une longue période de célibat. Mais n’a-t-on pas toujours 20 ans quand on tombe amoureux ?
Annoncer à ses proches qu’on est « in love »
A ces âges avancés, on ne présente pas fébrilement son petit-ami à ses parents mais à ses enfants et à ses petits-enfants. Une approche « contre-nature » dont on ne connaît pas bien les codes. Annoncer sa rencontre amoureuse à ses enfants déjà grands peut être vécue comme une trahison pour ces quinquas « bousculés ». D’autant plus s’ils sont encore éprouvés par la disparition d’un père ou d’une mère soudainement remplacé(e). La sensation de se voir imposer une figure parentale que l’on n’a pas choisie est presque plus violente que si l’on avait 10 ans.
De l’autre côté, pas facile pour le parent ou le grand-parent d’annoncer que l’amour a frappé à nouveau, quand bien souvent la famille ne s’y attend pas. Micheline, 77 ans, est restée veuve durant 17 ans. Des années durant lesquelles elle s’est consacrée à son rôle de mère et de grand-mère, avec en toile de fond ce mari parti trop tôt. « Je m’étais interdit d’aimer à nouveau. Pour moi, c’était impossible. Je voyais ça comme une trahison à la fois pour mon mari décédé et pour mes fils. Et puis, je ne me voyais plus du tout jouer le jeu de la séduction » nous confie-t-elle. Un jour elle rencontre dans son club de danse un homme de 80 ans. De valses en bavardage, ils tissent durant un an une grande complicité. Puis le cœur s’en même. Alors, à quoi bon le snober ?
Comme des ados…
Pendant 8 mois, Micheline et Jean se cachent de leurs familles respectives. Tous les deux veufs, ils ont peur de froisser et de susciter le jugement et l’incompréhension de leurs proches. Alors, quand vient le moment d’annoncer à ses fils qu’à Noël, elle aimerait inviter un « ami très gentil », les suspicions sont vives.
Pour son fils André, 55 ans, ce n’est pas tant le fait qu’elle ait rencontré un homme qui le gêne mais la façon détournée et « pas franchement honnête » dont cela a été amené. « Pendant des mois, elle a caché cette liaison puis, pendant des semaines, elle continuait à dire que ce n’était qu’un ami. J’aurais préféré qu’elle explique avec clarté la situation. ». Entre crainte des parents et jugements des enfants, le dialogue reste la clé. Encore faut-il lever les tabous de l’amour après 70 ans…
Un amour (charnel) interdit ?
Et puis il y a cette pudeur liée à la sexualité des parents et des grands-parents. André confie avec gêne les questions qu’il s’est posé quand il a appris que sa mère fréquentait un homme : « J’ai de suite condamné ma mère à avoir une vie intime. Je crois que je n’arrivais pas à accepter qu’elle puisse dormir dans le lit d’un autre homme que mon père et qu’elle puisse y éprouver du plaisir. ». Les bisous des amoureux suscitent des gloussements de la part des petits-enfants qui trouvent ça « bizarre » de « voir mamie embrasser un monsieur ».
Et si c’était ça le problème ? Considérer qu’après un certain âge, le plaisir charnel, l’intimité et le désir passent aux oubliettes ? Or, ils sont bien là mais différents : « Après 70 ans, l’union sexuelle, pour être satisfaisante, repose sur une dimension essentiellement émotionnelle et sentimentale. Et moins mécanique » explique la sociologue Anne-Caroline Bikri. Tout simplement.